> Gojira : l'interview <

     Le death metal ce n'est plus forcément un logo illisible, des pentagrammes partout, du noirs et des clous de la tête aux pieds, des paroles démoniaques et des riffs mainte fois entendus sur fond de double grosse caisse infatigable. Les landais de Gojira ont apporté une nouvelle vision de ce genre relativement sectaire. Explosant les clichés, le groupe livre une musique à l'identité forte, reposant sur une complexité et une lourdeur rythmique étonnantes. Influencé
aussi bien par Morbid Angel que Tool ou la musique indienne, Gojira a su se faire une place non seulement sur la scène extrême mais surtout sur la scène rock française en général. Avec la sortie de The Link, 2003 aura incontestablement été l'année Gojira ! Et rien n'arrêtra le monstre ! Même pas Jean Reno !

- Cela va maintenant faire un an que The Link est sorti, que s'est il passé de déterminant pour vous durant cette année ?
Mario : Déjà l'album a été bien accueilli à sa sortie ce qui plutôt été une bonne chose pour nous. Après on est parti en tournée, on fait beaucoup de concerts dans toute la France. Et on a participé à un projet important, un truc vraiment déterminant pour nous. En fait on nous a demandé de faire partie d'un festival consistant à jouer la musique d'un film muet. On a été appelé pour représenter le rock. Le film s'appelait Maciste Aux Enfers, c'est un film muet en noir et blanc qui date des années 1900. Et donc on en a fait la musique. On a du composer la musique de A à Z, donc autre chose que les morceaux de Gojira. Ca a été enregistré, il y a eu deux représentations. On jouait sur scène devant un écran géant. Cette création a été très importante pour nous et on compte, à l'avenir, la sortir en album à part entière. Après de septembre à décembre on a, à nouveau, beaucoup tourné et on a enregistré un dvd live à Bordeau. On a fait une date sold-out, il devait y avoir 800 personnes. Il y avait une équipe de 17 cameramen pour filmer le concert. On a retravaillé le son et il va y avoir un montage très précis.En plus de ça il y aura des bonus, diverses choses qu'on trouve habituellement sur ce genre de dvd.

- Peut-on en savoir un peu plus sur les bonus ?
En fait on a été sur la route pendant près de deux ans, on a vraiment beaucoup tourné, voyagé, dans le fourgon, sur les aires d'autoroute etc... Donc il y aura un petit reportage retraçant tout ça puisqu'on avait tout le temps un camescope avec nous. Il y aura aussi des extraits de nos premiers concerts etc, etc ...

- Ya t'il pour vous une réelle fracture dans le passage de Godzilla à Gojira ?
Jo : Oui je pense. Enfin ça reste les mêmes personnes mais on a passé une étape qui correspond à une évolution personnelle. C'était un moment de notre vie ou on vivait tous des moments intenses, plus ou moins durs. Il y avait une envie de d'évoluer sans néanmoins tout abandonner. Et puis il y a aussi eu des faits extérieurs qui ont appuyé ce changement. Quand le film Godzilla, la super-prod américaine, est sorti ça a un peu cassé l'image un peu exotique qu'on avait. Les vieux films en noir et blanc, le côté asiatique, un peu mythique etc.. c'était ça qui nous plaisait. La sortie du film a vraiment cassé tout ça. Après je critique pas le film (rires) ! On a avait déjà évoqué un peu le changement de nom mais c'est ce qui nous a finalement décidé à le faire. On a su que si on ne changeait pas de nom on serait rattaché à l'image déformée du film et surtout qu'on serait poursuivu par les avocats de la production (rires) ! Donc finalement ça tombait bien ! C'est un ensemble qui a fait que s'est réglé rapidement.

< Joe et Mario >
Mario : Et aussi les changement dont tu parlais au début, relatifs à notre vie et nos expériences qui ont fait que nos influences ont changé, notre état d'esprit aussi. On est allé vers quelque chose de beaucoup plus positif, moins dénonciateur qu'avant. On est sorti un peu de l'étiquette "death metal" alors qu'on était assez "puriste" auparavant. Il y a vraiment eu une évolution synchronisée, on a changé de nom et on a évolué musicalement.
Jo : Mais on s'efforce d'être dans une évolution permanente. Depuis qu'on a changé de nom on a encore évolué mais bon je ne pense qu'on va changer de nom à chaque fois sinon on changerait tout le temps (rires) ! Donc on regresse !

- Sur votre site on peut lire "Gojira a remporté le challenge de faire une musique inclassable", avez-vous une définition personnelle de votre musique ?
Mario : mmhh.. on fait du "défouraille metal" ! j'aime bien cette expression.
Jo : Ouai on disait ça à une époque....
Mario : On fait du rock mais en même temps c'est saturé, il y a du metal... je sais pas...
Jo : Moi je dis, on fait de la musique ! C'est très bateau de dire ça mais je ne vois pas d'autre définition. Après c'est personnel, chacun se fait sa définition.
Mario : Les étiquette sont très réductrices . Si je disais qu'on fait du "power death metal" je pense que ça nous classifierait de façon trop simpliste. On a peut être envie d'intégrer demain de nouveaux éléments, donc la définition de notre musique sera en perpétuelle évolution.

- Vous ne vous considérez donc pas, ou plus, comme un groupe de death ?
Non parce que death littéralement c'est la mort. Il y a certes des influences musicales qui viennent de la famille du death metal mais ça s'arrête là.


< Richard, manager, et Jean-Michel, basse >
- Pour un groupe Extrem vous sortez des clichés, ce qui vous a valu une grande reconnaissance mediatique. C'était un objectif important pour vous d'aller à l'encontre de l'imagerie Extreme et d'attirer un nouveau public ?
Jo : Ce n'était pas un objectif. C'est notre façon d'être, on essaie d'être nous-même le plus possible. En fait c'est ça, si tu suis un peu notre parcour , le changement de nom etc... tu vois que la notion d'évolution et présente constamment. En fait ce n'est pas évoluer pour être supérieur aux autres, c'est évoluer pour être le plus soi-même possible. Plus t'es toi-même plus tu te démarques de l'identité collective. Donc le but c'est juste d'être nous, d'être francs.
- Quel est votre avis sur la scène Extreme aujourd'hui ?
Mario : Je n'ai pas d'a-priori, avant de dire ce que j'en pense il faudrait déjà que j'essaie d'y réfléchir (rires) ! Je n'ai pas une idée toute faite à ce sujet. Il y a des groupes qui m'agressent , d'autres que je trouvent hallucinant. On de bonnes surprises. On rencontre beaucoup de groupes extremes, il y a vraiment de tout, du bon, du mauvais, des groupes très fermés, d'autres très ouverts. Les clichés sont en train de se défaire...

- Pour beaucoup vous êtes un peu les sauveurs d'un metal dit extreme, en comparaison au neo ultra-médiatisé. Qu'en pensez-vous et ressentez-vous une certaine pression vis à vis de cela ?
Jo : (rires) ! Non c'est génial ! Mais bon... (rires)
Mario : Enfin c'est vrai que ça peut mettre une pression ...
Jo : Ouai mais on l'enlève vite en relativisant tout. On essaie toujours dans notre démarche d'être nous-mêmes. Qui on est ? Oh merde, on est les sauveurs du metal !!! Ah non non attend on n'est pas les sauveurs du metal, moi je suis Joseph, lui c'est Mario, lui c'est Jean-Michel, lui c'est Richard, et Christian qui n'est pas là ! On se ramène toujours à ça ! Toi t'es Julien, toi t'es Thomas, vous êtes les sauveurs des webzines !!! (rires !!) Si on vous disait ça toute la journée peut-être qu'au bout d'un moment vous vous diriez "Putain j'suis plus Julien je suis le sauveur du webzine, la classe !!!" (rires).
Mario : Ca reste un truc de journaliste. Dans notre quotidien on n'est pas confronté à des mecs qui viennent nous le dire tous les jours. On est plutôt isolé, on mène notre bout de vie, on fait ce qu'on veut et voilà.
Jo : Mais ça peut être un piège. Quand tu complimentes quelqu'un sans arrêt il peut vite disjoncter. Je sais pas si on a la grosse tête, c'est dur à définir. Est ce que t'as la grosse tête, est ce que tu l'as pas ? Je sais pas...
Mario : Avoir la grosse tête c'est quand tu penses qu'il n'y a pas d'ouverture derrière, tu penses que ce que tu fais est essentiel.

- Joe et Mario vous êtes d'origine americaine, pensez-vous à developper Gojira aux USA, où le metal est plus dans les moeurs... ?

Jo : Si ! (rires) Ouai c'est vrai qu'on en a parlé.
Richard (manager) : Le problème c'est qu'aux Etats Unis ça marche vachement sur le relationnel et de la France c'est dur à gérer, il faut vraiment être sur place.

- Et justement vous n'avez jamais été tenté de déménager ?
Mario : Là c'est plus des raisons personnelles qui entrent en compte. Moi je ne déménagerai pas aux Etats-Unis pour le groupe.
Richard : En fait il ne faut pas être pressé. Comme c'est du relationnel il vaut mieux se construire des liens solides avec des gens petit à petit et ça viendra quand ça viendra !
Jo: De toutes façons ce n'est pas une obsession pour nous de développer le groupe. La fin ne justifie pas les moyens. Pour nous ce qui compte c'est qu'on soit bien au jour le jour. Ce n'est pas le groupe avant tout. Donc déménager aux Etats Unis ça parait un peu insensé. Enfin on n'en est pas là.

- L'arbre de la pochette de The Link à un aspect quelque peu naïf...
C'est parce qu'on est naïf ! (rires) On est réellement naïf ! Mais ce n'est pas péjoratif, la naïveté c'est prendre chaque chose de la façon la plus simple possible. Enfin là ça peut paraître prétentieux...... Non mais je me sens

vraiment naïf. Des fois il y a des gens qui me font des blagues un peu cyniques et j'ai du mal à accrocher, j'ai vachement de mal avec le second degré. Et je pense qu'on est tous un peu comme ça dans le groupe mais c'est ça qui fait notre force. Quand on arrive en répèt' on va pas se dire "alors on va faire ça et ça comme ça !", non nous c'est plutôt "oh ça serait cool de faire ça". On est sincère entre nous, il n'y a pas de plan pré-établi, nos méthodes sont naïves et instinctives.
Mario : Et ça fait du bien un peu de simplicité sur la pochette. On en avait réellement besoin.

- On associe souvent Gojira à la foret ou la nature. La nature c'est votre univers ?
Moi je vis avec la nature mais je ne dirais pas que je suis un passioné de nature. J'essaie de la respecter au maximum, j'ai conscience de ses forces et de ses ressources. On vit dans un milieu où il y a la mer à cinq minutes, il y a les montagnes à une demi-heure donc c'est clair qu'on est dans un univers très naturel. Après je ne me sens pas écologiste pour autant. J'ai une conscience de la nature mais c'est tout....
Jo : En fait on ne s'en rend pas forcémment compte. On vit dans la nature, les arbres, la montagne, la mer ça fait partie de nos vies. Chris il a toujours les mains dans la terre et ses potagers, Jean Michel il habite dans les montagnes, Mario il est tout le temps dans les vagues. Enfin voilà, après on va pas étudier les oiseaux, prendre des notes et tout ça (rires).

- Tout comme vous avez vous memes realisé la pochette, vous avez aussi enegistré tout l'album vous-memes dans votre studio. C'est une volonté de controler tout de A à Z ? Avez vous deja envisagé de travailler avec une personne extérieure ?
Oui on a envie d'avoir des oreilles extérieures mais il n'y en a pas trop. (rires) Enfin si il y a plein de gens qui nous écoutent mais on a déjà essayé de bosser avec d'autres gens et sur le plan professionnel c'est toujours assez compliqué. Quand tu vas en studio il faut vraiment que ça colle avec l'ingé-son et c'est excessivement rare qu'il y ait une osmose immédiate, une bonne écoute et un bon dialogue. On l'a nous-mêmes constaté puisqu'on est allé dans plusieurs studio et ça ne s'est jamais super bien passé. Un jour on a eu l'occasion de pouvoir faire notre propre studio et on a sauté dessus. C'est très compliqué parce que ça demande pas mal de thunes et de temps. On a construit quasiment tout nous-mêmes, l'isolation, les murs... On a retapé une grange, c'était énormément de travail. Mais maintenant que le studio est monté c'est un vrai plaisir de pouvoir travailler librement sans dépendre de quelqu'un. Après pour masteriser le disque, pour la touche finale, on le fait ailleurs. On pourrait le faire nous-mêmes mais on veut justement cette oreille extérieure.

- Envisagez vous de produire d'autres groupes dans votre studio ?
On a déjà commencé en fait. Ca fait près de six mois/un an qu'on a commencé à enregistrer les albums d'autres groupes. On est en train de développer ça.

- Et quel genre de groupes ?
Oh tout ! tous ceux qui veulent venir. ...... Et qui ont des thunes ! (rires) Il faut quand même qu'on rembourse le studio !
Mario : Mais ce n'est pas de la production, ça reste juste de l'enregistrement.
Jo : Ouai c'est vrai mais quelque part c'est un peu nous qui faisons le son des groupes...

- Question bateau pour finir : quels sont les groupes ou artistes qui font l'unanimité au sein de Gojira ?
Jo : Metallica !
Mario : Sepultura, Morbid Angel, Tool....

- Ca reste assez metal.....
Jo : Ce qui fait l'unanimité au sein du groupe c'est effectivement plutôt le metal. On écoute de tout mais c'est sur le metal qu'on se retrouve.

- Et bien voilà c'est fini, si vous avez un dernier mot.....

EUH ! (collectif) rires...
Jo : Bah là en fait t'as vraiment toute l'équipe devant toi. Tu vois Gojira c'est pas juste quatre mecs sur scène. Là il y a Mika et Emma, ce sont eux qui nous font tourner, Richard c'est notre manager, Laos qui est notre ingé-son, qui a monté le studio avec nous et qui est toujours avec nous. Il y a aussi Kepa qui fait les retours, Stéphane qui s'occupe des lumières et qui également musicien dans notre autre projet Empalot. En dernier mot on pourrait également parler de la démarche que Richard et Emma sont en train de lancer en ce moment.
Richard : Oui par rapport au dvd qui va sortir. Alors en fait Gojira est déjà sur une maison de disque en distribution. On a eu d'autres propositions de labels qu'on a finalement refusées parce qu'on veut travailler de façon plus indépendante avec des gens passionnés qui aiment la musique, qui ont les mêmes ambitions que nous. Il y a un vrai problème sur le marché du disque en ce moment. On va donc distribuer le dvd sur cinquante grandes villes françaises avec à chaque fois un point de vente par ville. Etpas forcémment des Fnac ou des Virgin mais plutôt des magasins indépendants. Le but c'est d'établir un rapport de confiance un rapport de confiance entre nous et ces structures, avec des gens qui ne veulent pas succomber au marché actuel. Le dvd sera vendu maximum 20€, on ne veut pas que ce soit plus cher. Et il sera également en vente sur le site.
Jo : Bah voilà je crois que tout est dit ! (rires)

- Interview réalisée à l'Astrolabe Orléans - 19 Mars 2004 - propos receuillis par XTA
Voilà une initiative qu'on ne peut qu'encourager !
Merci à Gojira bien sûr, Richard le manager, Emma la tourneuse, l'organisation Deep Record et l'Astrolabe comme d'hab !
le site officiel : http://www.gojira-music.com

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